Les compétences en leadership des cadres dirigeants évoluent à mesure que les jeunes générations démarrent leur carrière et que le travail hybride se généralise. A l’occasion de la Journée des Droits des Femmes, Karina Perez Galindo, Noëmie Cicurel et Vanessa Sproedt-Graef, directrices chez Robert Half, explorent les raisons pour lesquelles certaines soft skills, généralement attribuées aux femmes, sont essentielles au leadership moderne.

Quelles soft skills sont traditionnellement associées aux femmes ?

Karina Perez Galindo Hommes et Femmes possèdent naturellement des soft skills différentes. Leur personnalités et expériences influenceront également la manière dont ils mènent leur rôle de dirigeant. Les femmes sont traditionnellement plus empathiques mais remettent souvent en question leur savoir et leur expérience ; les hommes peuvent afficher davantage de confiance en eux et croire en leurs capacités. Cependant la réalité est plus nuancée.

Noëmie Cicurel La Diversité, l'Equité et l'Inclusion (DEI) sont souvent défendues par les femmes. Je constate également que les femmes sont plus nombreuses à profiter des opportunités d'apprentissage, à adopter un état d'esprit propice au développement et à utiliser leurs compétences en matière de collaboration. Elles sont capables d'avoir une vision d'ensemble, de prendre en compte les détails d'une situation et de travailler en équipe.

Vanessa Sproedt-Graef J'ai grandi dans un environnement de travail qui m'a permis de développer ma carrière : j'ai réalisé assez rapidement qu'être moi-même et authentique était important. Lorsque je suis arrivée à Francfort, certaines personnes m'ont appelée « le manager bien-être » parce que je voulais observer l'entreprise et comprendre ce qui motivait les gens. C'était un processus naturel pour moi : si les collaborateurs comprennent pourquoi ils font quelque chose, ils sont plus susceptibles de s’impliquer.

Pourquoi ces soft skills sont-elles si importantes aujourd’hui ?

Noëmie Les entreprises cherchent à attirer les jeunes générations, qui croient ce qu’elles voient, et non ce qui est présenté sur un site internet. Lorsque la DEI est bien communiquée, mais que cette diversité fait défaut lors d'un processus d’embauche par exemple, les candidats y verront clair. Les générations Y et Z posent des questions sur la DEI, sur l'impact environnemental et sur l'équilibre vie pro / vie perso ; ils veulent également savoir de quelle manière leur carrière évoluera.

Karina Le monde du travail est en constante évolution depuis quelques années, et la pandémie a accéléré certaines tendances : le travail à distance / hybride a mis en exergue l'importance des soft skills, et a offert davantage de choix aux candidats. La flexibilité, l'intelligence émotionnelle et la communication sont plus importantes maintenant car elles aident les dirigeants à mieux travailler avec des équipes en télétravail ; comprendre les valeurs et les motivations des collaborateurs contribue également à les retenir dans un marché concurrentiel.

Vanessa Au début de ma carrière, j'ai acquis de l'expérience grâce à des stages, avant de décrocher un emploi. Je travaillais 12 heures par jour, motivée par la réussite, mais aujourd’hui nous sommes dans un monde différent. Les jeunes générations nous montrent la voie en matière de santé mentale, de feedbacks, de formation, et de flexibilité. La pandémie a accéléré ces tendances, comme le dit Karina, et la loyauté et l'engagement découleront désormais de la mise en place d'une culture d’entreprise qui reflètera ces priorités.

Dans quelle mesure les dirigeants adoptent-ils ces compétences et pouvez-vous partager des exemples ?

Karina Les entreprises font de leur mieux, et veulent être justes en termes de parité. Lorsqu’un programme est poussé trop fort, il peut avoir l'effet inverse. Les progrès se font petit à petit. Le changement de comportement n'a pas toujours besoin de politique, il a besoin d'actions.

Vanessa Si nous intégrons pleinement ces soft skills, cela impactera nos comportements ; plus nous comprenons la façon dont ces compétences influencent la culture d’entreprise et incluent de la diversité dans les équipes, plus nous aidons les clients à en faire de même.

Karina Lorsque je travaillais au Chili, j'ai rencontré deux directeurs généraux qui étaient très axés sur l’humain, et tous deux ont été promus à des postes internationaux de haut niveau. Les entreprises prospèrent généralement parce qu'elles sont dirigées par des personnes ayant un bon équilibre de compétences. Mais je dirais que les compétences interpersonnelles font la différence entre les candidats à des postes de direction en ce moment.

Vanessa J'ai vu une entreprise dans une industrie dite « masculine » nommer sa première femme directrice générale. Cette dernière a commencé par refondre le comité de direction. Dans la foulée, elle a demandé des listes de candidats réellement diverses, et était prête à laisser un poste vacant plus longtemps que d'habitude pour trouver la meilleure personne, qui posséderait les bonnes compétences et le bon état d'esprit. Elle a changé la culture d’entreprise pas à pas, améliorant la diversité, mais aussi la performance commerciale.

Noëmie Les entreprises créatives veulent attirer des personnes neuro-diverses car elles bénéficient de styles de pensée différents. Mais elles reconnaissent avoir besoin d'adapter leur style de leadership pour pouvoir recruter et retenir ces personnes. J'ai vu une entreprise en France nommer un responsable de la diversité et de l'inclusion pour améliorer l'attraction et la rétention des candidats neuro-divers. L’entreprise avait également fourni à ses managers les outils et les connaissances nécessaires pour travailler efficacement avec eux.

Que diriez-vous aux dirigeants qui souhaitent développer leurs soft skills ou inclure de la diversité au sein de leur Conseils ?

Vanessa Adoptez une vision d'ensemble, soyez patients et ne prenez pas de décisions à court terme. Tout d'abord, examinez la culture d’entreprise existante, et imaginez celle que vous souhaiteriez créer. Ensuite, intégrez les bonnes personnes aux postes de direction, peu importe le temps que cela prendra, et assurez-vous que les valeurs sont démontrées par l'équipe de direction en place. Les entreprises doivent avoir une vision, et en suivant cette vision, elles engageront les bonnes personnes. C'est la clé.

Noëmie Il est important de combattre les préjugés. L'écrivain français Olivier Sybony a co-écrit "Noise", avec Daniel Kahneman et Cass Sunstein, qui explore la prise de décision erronée. Il est important d'avoir un groupe de personnes qui ne sont pas d'accord avec vos opinions, dit-il. En outre, les dirigeants doivent tenir compte des mad skills, ces « compétences folles » des personnes – développées à travers leurs passions et leurs expériences de vie – car elles peuvent influencer le développement des soft skills.

 


 

Biographies de nos experts

 

Karina Perez Galindo est directrice de Robert Half Executive Search aux Pays-Bas depuis mars 2022. Elle s'est installée en Europe après avoir passé plus de dix ans à développer les activités de l'entreprise au Chili.

Noëmie Cicurel débute sa carrière chez Robert Half en 1999. Après avoir bâti avec succès les activités du cabinet en France pendant plus de deux décennies, elle est devenue directrice de la formation et du développement pour la France, l'Allemagne, le Benelux et la Suisse.

Vanessa Sproedt-Graef est directrice générale des opérations de Robert Half à Francfort, Rhein-Main et Mannheim. Elle a rejoint l'entreprise en janvier 2021 avec plus de 15 ans de conseil aux entreprises sur l'ensemble de la chaîne de valeur RH.